Au moment où je m’apprête à éteindre mon ordinateur et à quitter cet extraordinaire poste de commissaire à l’information, je veux laisser aux Canadiennes et aux Canadiens un message qui se résume ainsi :
Soyez toujours plus exigeants.
Voilà le principe qui m’a sans cesse guidée depuis que je me consacre à l’accès à l’information, il y a maintenant un peu plus de dix ans.
Exigez davantage de votre gouvernement. Davantage d’ouverture, davantage de transparence, davantage d’accès.
Le droit à l’accès joue un rôle crucial, car il permet de demander des comptes à notre gouvernement.
C’est une condition indispensable à la transparence, à la reddition de compte et à l’engagement public.
En deux mots, c’est un pilier central de notre démocratie.
C’est pourquoi nous devons veiller à ce que les Canadiennes et les Canadiens puissent avoir accès aux dossiers du gouvernement sur les dépenses et les politiques, à ses dossiers historiques et bien plus encore.
Je suis persuadée que nous pourrions tous profiter de ce droit de regard accru qu’une Loi sur l’accès à l’information résolument moderne et progressive conférerait à ceux et celles qui tiennent les rênes du pouvoir au sein de notre démocratie.
Voici le type de réforme législative dont je me suis fait la championne dans le but de protéger et de renforcer le droit à l’accès dans notre pays.
Tout au long de mon mandat à titre de commissaire de l’information, j’ai utilisé tous les moyens à ma disposition pour instaurer des changements. Et je suis fière de ce que j’ai pu accomplir, avec l’appui de cette équipe incroyablement dévouée qui compose le Commissariat à l’information du Canada :
- J’ai surveillé les travaux accomplis par l’équipe pour mener à bien plus de 15 000 enquêtes.
- J’ai participé à titre d’instigatrice ou de collaboratrice à d’importantes démarches devant les tribunaux, lesquelles ont eu pour effet de renforcer le droit à l’accès grâce à l’élimination de certains droits, à la réduction du délai d’obtention des documents et à l’éclaircissement de la capacité de la commissaire à procéder à un examen indépendant des décisions prises par le gouvernement à l’égard des demandes d’accès à l’information. D’autres causes plaidées devant la Cour fédérale, la Cour d’appel fédérale et la Cour Suprême du Canada ont créé une importante jurisprudence qui continuera de guider les institutions pendant de nombreuses années.
- J’ai produit et publié des fiches de rendement pour indiquer aux institutions les domaines dans lesquels elles arrivent à court des cibles, et j’ai mené des enquêtes systémiques dans plusieurs domaines et sur des sujets tels que les délais attribuables aux consultations, le SCDAI (Système de coordination des demandes d’accès à l’information) ainsi que la messagerie instantanée et les communications de NIP à NIP . De plus, j’ai publié un important rapport sur le registre des armes d’épaule ainsi que deux rapports sur l’ingérence politique.
- J’ai modernisé les pratiques d’enquête du Commissariat et ses façons d’interagir avec les Canadiennes et les Canadiens, en plus de faciliter le processus de présentation de plaintes grâce au lancement d’un formulaire de plainte en ligne.
- J’ai transmis des recommandations sur les moyens de moderniser la Loi sur l’accès à l’information, et lorsque le gouvernement a présenté un projet de loi insuffisant à cet égard, j’ai recommandé des mesures pour l’améliorer.
- En plus de comparaître devant le parlement pour discuter de la question de la divulgation proactive, j’ai travaillé en partenariat avec mes collègues provinciaux et territoriaux pour veiller à ce que le Canada soit un des premiers pays à adopter le gouvernement ouvert, notamment par la publication d’une résolution conjointe appelant tous les ordres de gouvernement du Canada à prendre des engagements précis et à créer les mécanismes nécessaires en la matière, et par la publication d’une lettre ouverte sur l’initiative internationale Partenariat pour un gouvernement ouvert.
- Je me suis également jointe à mes collègues des provinces et des territoires pour publier une résolution conjointe sur l’obligation de documenter et pour promouvoir l’accès par l’entremise du Prix Grace-Pépin.
- Sur la scène internationale, j’ai travaillé sans relâche afin d’aider les pays de partout dans le monde à promouvoir et à protéger les droits d’accès à l’information, en collaboration avec l’Organisation des États Américains (lien en anglais seulement), la Banque mondiale, le Carter Centre et Affaires mondiales Canada. J’ai également œuvré en partenariat avec l’Association du Barreau canadien pour accueillir la 7e Conférence internationale des commissaires à l’information.
Suis-je satisfaite des progrès qui ont été accomplis? Pas entièrement, mais mon équipe et moi avons relevé la barre pour ce qui est de la politique sur l’accès à l’information, du droit jurisprudentiel et du système comme tel.
Si l’on compare nos progrès à l’ascension du mont Everest, nous sommes passés du camp de base au camp no 1. À ce stade-ci, nous pouvons regarder avec une certaine satisfaction ce que nous avons réalisé, mais nous savons également qu’il nous reste à rejoindre plusieurs autres camps avant d’atteindre le sommet.
Le moment est venu de confier la prochaine étape de cette expédition à un autre meneur, et on m’a demandé quel conseil je prodiguerais à mon successeur.
Au prochain commissaire à l’information, je dis : préservez votre indépendance à tout prix, faites confiance à votre boussole morale, ainsi qu’à votre vision objective des faits pour vous guider et acquittez-vous de vos fonctions avec intégrité et courage.
Je lui rappellerais également que, comme pour bien d’autres tâches, notre travail tient davantage du marathon que du sprint sur 100 mètres.
Au bout du compte, le commissaire à l’information, ce n’est qu’une personne. Il appartient à tous les Canadiennes et Canadiens de poursuivre leurs efforts en vue d’amener le gouvernement à accomplir de véritables progrès dans le domaine de l’accès à l’information.
Nous avons tous intérêt à préserver la solidité de ce pilier de notre démocratie.